La problématique des déchets solaires au Sénégal
Le Sénégal s’est engagé, depuis plus de dix ans, à améliorer l’accès à l’énergie à travers ses programmes nationaux d’électrification. Les sources d’énergies renouvelables, dont le solaire photovoltaïque (PV), constituent une des réponses à la demande croissante de la consommation énergétique au Sénégal. Le fournisseur d’électricité national Senelec, quant à lui, ambitionne fournir 30% d’électricité provenant du solaire.
Le développement des solutions de solar home systems (SHS), de minicentrales solaires et hybrides, ou encore de systèmes PV standalone pour le développement des usages productifs a été également enclenché dès le début des années 2000 au Sénégal, résultant dans un nombre important de projets solaires photovoltaïques. Par ailleurs, le plan ambitieux de l’électrification universelle en 2025 au Sénégal fait la part belle aux énergies hors-réseau, largement dominées par le solaire photovoltaïque.
Ces équipements/installations solaires, se transforment, au terme de leur vie, en Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques (DEEE), constitués à la fois de composants toxiques (plomb, mercure, cadmium), de plastiques et de métaux de base tels que l’acier, l’aluminium ou le cuivre. Certains de ces matériaux peuvent être recyclés ; d’autres, qualifiés de dangereux, représentent une menace importante pour l’environnement et la santé des personnes – et requièrent à ce titre une gestion efficace.
Ainsi, il est dans l’intérêt de tous les acteurs du secteur d’anticiper un des corolaires majeurs du développement du marché du solaire : la multiplication des équipements en fin de vie et la question de leur gestion durable sur toute la chaîne de valeur.
Le cadre réglementaire
La plupart des pays intègrent les déchets solaires dans le cadre plus général de gestion des DEEE, lié au fait qu’une partie des déchets solaires entrent de facto dans les législations sur les déchets électroniques. En effet, un élément crucial à analyser dans les textes juridiques régissant les déchets électroniques est la définition et le périmètre des équipements considérés. Par exemple, selon le projet de loi kenyan 9:
Les « équipements électriques et électroniques » désignent les équipements destinés à la production, au transfert et à la mesure de courants et de champs électriques ;
Les « déchets d'équipements électriques et électroniques » indiquent les déchets résultant des équipements électriques et électroniques à usage domestique et commercial, y compris les composants, sous-ensembles consommables qui font partie du produit lorsqu'il est éliminé.
Ainsi, les équipements de contrôle et de conversion de l’énergie et les équipements secondaires sont généralement inclus par défaut dans le champ d'application des législations sur les déchets électroniques. Cependant, les panneaux solaires et les batteries ne sont pas systématiquement listés.
Au Sénégal, le projet de décret portant sur la gestion des DEEE définit les équipements électriques et électroniques de la même manière que le projet de loi au Kenya, ouvrant des opportunités pour la prise en compte spécifique des déchets solaires, bien qu’ils ne soient pas actuellement pris en compte.
Modèle de financement et d’organisation
De façon générale, le financement par les producteurs selon le modèle de REP est la forme de réglementation la plus courante, tant dans les économies développées que dans les économies en développement. Il existe à ce titre une variété de mécanismes pour récolter les fonds : le paiement peut être effectué lors de la mise sur le marché du produit (au travers d’une "éco-redevance" ou d’une "taxe de recyclage avancée"), et/ou au moment du traitement des déchets.
Le modèle de REP a l’avantage d’impliquer le producteur dans une logique de conception durable - mais il est relativement complexe à mettre en place, et implique de s’accorder sur une définition précise du « producteur » (qui dans certains cas peut être un importateur, ou encore un distributeur). La plupart du temps, le modèle de REP s’appuie sur la mise en place d’éco-organismes - des structures professionnelles à but non-lucratif. Ces structures sont composées d’un regroupement de producteurs, et permettent la récupération des écotaxes pour financer la collecte et le traitement des déchets. Un éco-organisme compte ainsi plusieurs groupes d’utilisateurs : des producteurs et des prestataires de services de ramassage, de tri et de traitement des déchets. Un éco-organisme peut aussi acheter certains services, de ramassage des déchets notamment, aux communes. A noter cependant que la solution éco-organisme n’est pas obligatoire dans une filière REP, notamment quand celle-ci est viable économiquement - ainsi, les filières des véhicules hors d’usage et des batteries au plomb en France ne sont pas gérées par des éco-organismes.
Au Sénégal, la discussion autour de la mise en place d’une éco-contribution est actuellement engagée, cependant le modèle final de financement et de portage n’est pas encore décidé.
Mesure d’accompagnement des acteurs
Le secteur informel joue un rôle dominant dans la récupération des déchets électriques et électroniques sur le continent, il est donc primordial de l’inclure dans cette étude.
En outre, le secteur privé a des difficultés à développer la filière - hors batteries au plomb- dû à la non rentabilité de celle-ci, et à l’absence de subventions de la filière solaire. Les entreprises ou particuliers en possession de ces équipements doivent donc payer pour que ceux-ci soient recyclés, ce qui est le cas de la très grande minorité d’entre eux.
Une étude a ainsi été réalisée pour poser les jalons de l’organisation future de la filière des déchets solaires au Sénégal. L’enjeu étant d’assoir le développement à long terme d’une filière durable, inclusive et viable financièrement - ce, en anticipant la mise en place d’un cadre juridique et organisationnel favorable à ce développement.
Un document d’état des lieux de la filière, qui estime la quantité de déchets solaires arrivant sur le marché à horizon 2050 – par type d’installation et par type d’équipement ; examine les rôles et responsabilités des différents acteurs du solaire, depuis les activités d’installation jusqu’à leur démantèlement et la gestion des déchets ; étudie le cadre politique et juridique pertinent pour la filière, ainsi que les développements à anticiper.
Sur la base de l’état des lieux, l’étude a évalué plusieurs scénarios de valorisation économique des déchets solaire s; en a dégagé les implications organisationnelles et juridiques ; et proposé des recommandations pour un cadre favorable au développement d’une filière durable, incluant un plan d’actions transverses et par type d’équipement.